Monts et Vaulx : les terres noires ou le ravin de Nervilliers

Les petites vallées sont partout sur les Mollières (Mont-lair ?) : Vaul-goullay ou Vaul Boullay, Vauloupnier, Vaulardie, Vaul-le-boy, Vallis-Frogeri (Craches-Haye), et un peu plus loin Vallis Gien, Vallis Griniosa, Vallis Pecosa et Vallis Sarney. Les Jean, Olivier et Pierre du Val sont du reste bien présents dans notre village au seizième siècle.

Le terme de ravin apparaît un siècle après : chemin creusé par les eaux, il côtoie ou remplace la petite vallée étroite à versants raides. Le val, en latin il a de la valeur, cela peut-être un fils.

Les ravins sont utilisés en art militaire et ont gardé la vallée : une troupe armée peut s’y cacher pour en surprendre une autre en embuscade et arrêter ainsi l’escadron. Au plan géologique, le ravin arrête une veine qui se retrouve plus loin.



Le ravin de Nervilliers est l’un des trois ravins recueillant les eaux des Molières avec celui du Ruisseau du Mouillecrotte dit (la Vallée), et celui du Fonceau, au-dessous de la décharge. Ces eaux ruissellent dans les fissures du sol, et entraînent la terre, et le ravin se retrouve à sec en période de sécheresse. Nervilliers, c’est actuellement aux Molières le sentier rural n°20 qui passe le long du Centre équestre, chemin inscrit au plan départemental de randonnée se dirigeant vers la plaine de Limours, laissant derrière lui Montabé et Boullay en contrebas de la voie ferrée. Section de cadastre aussi, elle jouxte celle du Clos Aunay proche de l’Etang.

Curieusement en 1735, ce lieu est appelé Molliers, non loin de la Remise aux Femmes. En ancien français, Mollier ou Moiller signifie la femme mariée, (mulier en latin, qui regorge de qualificatifs pour la désigner), molierer voulant dire légitimer. Serait-ce une autre origine du nom de notre village ? Beaucoup de ces possessions appartiennent à la fabrique (église) des Mollières et celle de Boullay.

Nous arrivons à la Pierre de Nervilliers, qui figure dans le terrier du seizième siècle. Pierre noire qui faisait écho à la Pierre Blanche située à l’autre entrée du village, pierre minérale, murrhe dont on faisait les vases précieux ? Ou bien pierre borne que nous n’avons pas retrouvée, pierre allongée disparue, à la croisée des Quatre Chemins ou au contraire située juste à la sortie des habitations marquant les limites du terroir, servant de barrière de protection au moment où la peste sévissait ? Etait-elle liée à un pèlerinage, où certains dits- infirmes- venaient s’asseoir en vue de guérison par la foi, ou tout simplement pierre des morts utilisée comme halte station pour les porteurs de ceux dont la dernière demeure était le bois des Morts dit aussi bois des Coutures ? Nervilliers ou Morvilliers lit-on sur le plan de 1783.



Les pierres ont toujours fait parler : « Les parties conservées de l’ancien chemin des Molières à Pecqueuse avaient également leur charme particulier. Il traversait, cet ancien chemin, le fameux ravin de Nervilliers, où se déroulèrent au dix-huitième siècle, dit-on des scènes de sorcellerie.»

Le folklore de la région est riche en histoires de ceux que l’on diabolisait, généralement noctambules et nuisibles jetant des sorts aux autres, à leur récolte et leurs animaux. En Hurepoix, « les anciens criminels étaient des sorciers changés en loups-garous, condamnés à errer dans la campagne ». Lors du gel ou de la sécheresse, les courtilliers sont là, ils agissent sur les plantes en soufflant dessus (on trouve aux Molières le Courtil de la Fontaine). Sorciers, si l’homme est là, la femme n’est pas loin. Sorcières, bonnes ou mauvaises, les fées ? La remise aux Fées du Fay est à côté…Elles sont peut-être encore sur le terrain. La fée est aussi un phénomène géologique. La remise c’est un bois établi sur la plaine, servant au gibier lorsqu’il vient manger.

Ner-Villiers : - Villiers : les premières villas gallo-romaines, sont là : « centres de grands domaines ruraux, construites à proximité ou sur le site même de l’ancienne ferme gauloise, comportant une partie résidentielle et une partie agricole simple maison ou palais campagnard ». On trouve plus tard un pressoir du nom de Villarius.

Ner : L’origine de l’autre partie du nom est plus délicate, surtout avec la superposition des époques et des activités. Elle évoque d’abord pour ceux qui ont travaillé sur les noms de lieu, un nom propre : Nerius nom de divinité- Nerus ou Néris : un peuple qui, en été, avait été transformé en loup. L’image dans la symbolique de l’époque, est associé au mal et à la couleur noire du loup en ces périodes de disettes, sauf lorsqu’il devient miraculeusement un doux frère.

De là, l’idée y associe par opposition, des terres riches noires (niger) recouvertes de limon, terres cultivées de plateaux avec de l’argile en profondeur, drainées par les treize mares. La mare de la Courbe stagne et se trouve du reste juste sur la courbe de niveau. Le sens de nero en latin du moyen-âge devient eau… ou vin pour ceux qui ne boivent que cela ! Le territoire voisin à l’est porte le nom de Nérault ou Nériot, nom d’un lointain cépage noir à jus noir.

Le noir, appelle naturellement son contraire le blanc : le chemin de la Croix Blanche passe non loin et la remise des Mûriers blancs est proche. Le mûrier blanc est utilisé pour ses vertus médicinales et pour ses feuilles qui servent de nourriture aux vers à soie, industrie développée par Colbert. La Magnonnerie est du reste de l’autre côté. Arbuste à ne pas confondre avec le -morus niger- mûrier noir, que nous connaissons bien pour en ramasser les baies à la belle saison. Ce dernier venant d’Asie occidentale est couramment cultivé comme fruit avec la vigne à partir du douzième siècle, les baies servant à faire du vin.

Ner est aussi (en vieux français nerte) -la myrte- symbole de gloire, arbre à fleurs blanches et à baies noires comestibles venant des pays méditerannéens d’odeur agréable, planté en Angleterre et en Normandie. D’autres senteurs et matières les plus précieuses viennent de plus loin : les coffrets de myrrhe, d’encens et d’or s’ouvrent.

Bonne Année.



Diane de Saint-Léger.